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Portrait - Gisèle Badibanga B. / Kuwa, une école culturelle congolaise à Bruxelles

 

C’est en échangeant avec ses collègues de l’asbl DC Racin au sujet des richesses culturelles du Congo que Gisèle Badibanga B. arrive à ce constat étonnant : pas de centre culturel congolais à Bruxelles alors que la diaspora y est très importante. Autre question, celle des jeunes afro-descendants qui vivent pour beaucoup une forme de malaise, parfois profond, en lien avec leur identité et leur couleur de peau. « Ils sont nés ici, ils ne sont pas tout à fait d’ici ; quand ils rentrent là-bas, ils ne sont pas tout à fait de là-bas » nous explique Gisèle. « Donc on s’est dit, comment essayer d’équilibrer, de redonner aux enfants des repères identitaires qui leur permettraient de passer outre toutes les questions qu’ils se posent à un moment donné de leur cheminement ? Le but c’est d’apprendre aux enfants à s’accepter, à être contents de ce qu’ils sont, à leur transmettre leur histoire et leur bagage culturel, afin d’avoir des réponses à donner lorsqu’ils sont interrogés - parfois agressés. » Voilà comment est venue l’idée de créer Kuwa, première école culturelle congolaise à Bruxelles, qui voit le jour en 2018.

Kuwa accueille les enfants à partir de 4 ans, les adolescents jusque 17 ans et, depuis peu, les adultes (en distanciel pour le moment). Mais « le public cible ce sont d’abord les enfants issus de notre communauté, qui vivent en Belgique, qui ne sont pas baignés dans la culture congolaise et qui en ont besoin. Maintenant, toute personne qui s’intéresse au Congo est la bienvenue. Il n’y a pas que des congolais dans l’école » précise Gisèle Badibanga. Le programme des cours est riche : le Lingala ; l’histoire ; l’art et la culture ; la géographie, la faune et la flore, ainsi que certaines des valeurs culturelles les mieux partagées au Congo, comme la spontanéité, le partage ou le respect des aînés. « Le but, surtout, c’est d’avoir des enfants qui ne sont plus gêné de parler leur langue et de s’affirmer africains » résume Gisèle.

L’école accueille aujourd’hui une trentaine d’enfants. Son approche s’inscrit dans une logique extra-scolaire, « on ne veut pas que les enfants aient l’impression que Kuwa c’est un sixième jour de cours qu’on leur ajoute » prévient Gisèle. D’où l’importance d’aborder les matières de façon souple, ludique et créative. Pour cela, les professeurs font appel au conte, à la peinture ou à la musique pour introduire les différentes facettes du programme. L’enseignement de la langue est central. Et ici on mise sur le lingala car c’est la langue la plus fédératrice au Congo, et qu’il serait fastidieux d’organiser simultanément des cours de kikongo, de tshiluba ou de swahili. « A Kuwa, ce sont des enfants qui à la maison ne parlent que français et qui ont déjà leurs cours de néerlandais, d’espagnol ou d’anglais par ailleurs. Seulement les langues de chez nous, ils ne les connaissent pas. »

Gisèle Badibanga estime que l’action de Kuwa commence à se faire sentir, « il y a un petit retour quand même. » Les enfants commencent à comprendre les paroles des chansons en lingala qu’ils entendent à la maison. La dynamique de la communication évolue au sein de la famille. Les parents doivent même commencer à faire attention à ce qu’ils disent, dès que les enfants maîtrisent un peu la langue de leurs origines. Et puis « quand les enfants rentrent au pays, à Kinshasa, ils comprennent presque tout ! ». L’école n’a que trois ans, elle n’accueille encore que peu d’enfants, « c’est très prenant, c’est du travail, c’est un embryon, qui tient quand même la route » nous confie modestement Gisèle. Comme ses élèves Kuwa chemine, lentement peut-être, mais sûrement.

Texte : Michel Reuss

Photos : Olga Filimonova