Les Halles de Schaerbeek
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ARTICLE | CORNES, PLUMES, PERLES

CORNES, PLUMES, PERLES...

La fin du 19ème siècle voit se populariser en Afrique du Sud un moyen de transport destiné aux colons blancs, le « rickshaw » ou pousse-pousse. Ses conducteurs sont en écrasante majorité des Zoulous, soumis à des conditions de travail extrêmement dures et précaires dans un contexte raciste et colonial.

Si au commencement ils se voient imposés un uniforme domestique par leurs employeurs, les tireurs ont tôt fait de le détourner et se le réapproprier dans une flamboyance de couleurs et de symboles. Les apparats dont ils parent leurs costumes et véhicules ramènent des éléments de culture zoulou, de spiritualité et de résistance au travail colonial auquel ils sont soumis.

Robyn Orlin a ainsi conçu les costumes des danseur·euses de son spectacle We wear our wheels with pride and slap your streets with color … We said « Bonjour » to Satan in 1820… en référence aux vêtements des tireurs de « rickshaws ».

Ils se réapproprient un vocabulaire animal, une double paire de cornes de taureau, de larges plumes évoquant les tenues des guerriers, du cuir et des queues de bovins, des peaux d'animaux sauvages, invoquant et y puisant la force de ces animaux tout en dénonçant le statut de bête de somme auquel leur statut les réduit.

Ces vêtements ont également une puissance spirituelle et mémorielle, reprenant les motifs traditionnels de la culture zoulou et transmettant le souvenir des ancêtres dans des associations symboliques de couleurs, motifs et objets. Ils y intègrent également des éléments et matériaux contemporains, comme des pneus pour constituer leurs semelles, dans une recherche artistique et créative gagnant perpétuellement en complexité.

Leur pratique du vêtement devient ainsi un espace d’expression, de résistance et de résilience aux conditions qui leur sont imposées.

… DANSE ET RÉSILIENCE

Robyn Orlin a ainsi mené un travail de recherche et de partage avec les danseur·euses de Moving Into Dance Mophatong dans l’écriture chorégraphique et la conception des costumes de sa pièce.

Cette compagnie non raciale créée en 1978, en plein apartheid, par Sylvia ‘Magogo’ Glasser a formé plusieurs générations de danseur·euses issu·es pour beaucoup de milieux défavorisés et promeut une vision sociale et politique de la danse.

Danseurs et danseuses sont ainsi allés puiser dans leur héritage familial, zoulou ou autre mais toujours marqué par l’apartheid, pour la création de We were our wheels […].

En effet, les tireurs de rickshaws développent, en même temps qu’une résistance par l’habillement, des mouvements spectaculaires dans leurs déplacements, proches de la danse. C’est aussi en découvrant les Gumboots, mineurs noirs dansant pour un public blanc qu’elle a vu lorsqu’elle était enfant,  que Robyn Orlin découvre la danse : « Ils m’ont beaucoup appris sur la danse », avant de préciser : « C’est aussi là que j’ai forgé mes premières opinions politiques ».

Performeur·euses et chorégraphe réveillent ces formes chorégraphiques résistantes composant en direct « des monuments visuels, en signe de respect et de reconnaissance pour veiller les morts et les célébrer en même temps».