Gigi Cristoforetti / Danser dans une situation proche de l'exposition
Les MicroDanses arrivent à Bruxelles. Elles vont bousculer l'agencement intérieur des Halles de Schaerbeek avec 12 micro-scènes et autant de chorégraphies originales. C'est une initiative singulière qui modifie le rapport habituel, souvent frontal, entre public et danseurs/danseuses. Du 9 au 11 décembre prochain, le public évoluera dans la grande halle, dans la petite halle et dans le foyer des Halles de Schaerbeek, à la découverte des 12 formes courtes écrites pour l'occasion par de grand.es chorégraphes, bien connu.es ou émergent.es.
Pour mieux appréhender cette proposition artistique, nous avons échangé avec Gigi Cristoforetti, Directeur de la Programmation de la Fondation Nationale pour la Danse - Aterballetto (Italie) - un des partenaires du projet MicroDanses, aux côtés du Ballet de l'Opéra d'Athènes et des Halles de Schaerbeek.
Un projet européen d'envergure qui viendra aussi à Bruxelles - dans l'espace public cette-fois - en mai 2022.
Gigi, comment est né le projet MicroDanses ?
MicroDanses est né de la volonté de mettre la danse dans une situation proche de l'exposition, offrant aux spectateur.ices une vision exceptionnellement proche et inhabituelle de la scène, des danseurs et des danseuses. Et de l'envie de demander aux chorégraphes d'expérimenter de nouvelles formes créatives, dans un espace réduit.
Comment décrire l’univers chorégraphique exposé dans les MicroDanses ?
Il y a autant d'univers différents que de chorégraphes, et c'est là la dimension intéressante du projet. De la danse pure d'Angelin Preljocaj aux expériences les plus radicales. Nous étions trois à choisir les chorégraphes : Christophe Galent, directeur des Halles de Schaerbeek, Konstantinos Rigos, directeur du Ballet de l'Opéra d'Athènes, et moi-même, pour Aterballetto.
De quelle manière les MicroDanses entrent-elles en dialogue avec les arts plastiques et l’architecture ?
Si une performance sur scène offre toujours plus ou moins le même point de vue, dans ce cas, la performance n'existe pas sans son contexte. Qu'il s'agisse d'une petite pièce intime, d'un paysage urbain ou d'un musée, la perception d'une même œuvre change et s'enrichit à chaque fois au contact de son environnement.
Les danses que l’on peut qualifier de savantes veulent descendre dans l’espace public et les danses populaires, comme le freestyle, demandent davantage de reconnaissance des institutions culturelles. Comment expliquer ce paradoxe ?
Personne ne vit plus dans sa niche. Nous trouvons tous et toutes important d'entrer en relation avec la complexité et de nous y confronter. Et c'est une prise de risque importante pour chaque discipline, et chaque style de danse, que de changer d'envrionnement.
Mettre des corps en mouvement dans l’espace public est en effet un geste audacieux, qui vient perturber le déroulé de la vie quotidienne en milieu urbain. Par ce geste, quelle réponse voulez-vous provoquer auprès des habitants, des pouvoirs publics, des institutions culturelles ?
En fait, l'idée de provoquer une réponse appartient plutôt au registre des flash mob, qui veulent communiquer quelque chose de précis, généralement un contenu indépendant de la recherche esthétique elle-même. Nous voulons exposer la danse. Et démontrer ainsi non seulement l‘esprit démocratique de la danse - offerte à tous - mais démentir aussi sa difficulté ou son élitisme.
La crise sanitaire, qui touche le monde entier, montre-t-elle selon toi une urgence à habiter la ville autrement ?
Je peux dire que le monde du théâtre et de la danse a immédiatement essayé d'habiter les théâtres différemment. Et pour arriver à l’intérieur des chambres où chacun de nous était enfermé. Aujourd'hui, nous ne savons pas exactement quelles conséquences la covid laissera sur notre vie, mais nous aurons certainement appris à perdre moins de temps et à regarder moins superficiellement l'espace public qui nous a longtemps été interdit.
Propos recueillis par Michel Reuss