Portrait - Maya & Leila Diagne / Saabou
Il faut faire l’expérience de la Chantilly de Karité de Maya Diagne. Sa texture soyeuse et aérienne. Son mélange d’huiles naturelles de karité, de cacao et d’amande douce. Ses vertus d’hydratation et de régénération de la peau. Voilà un produit phare de la gamme de cosmétiques Saabou. Une marque qui voit le jour il y a quelques années et qui s’incarne dans une très jolie boutique-atelier située dans le haut de la Chaussée d’Alsemberg à Uccle.
Maya ne fait pas les choses à moitié. Lorsqu’elle rencontre des problèmes de peau, au retour d’une expatriation au Ghana, elle prend la question à bras-le-corps. « J’ai commencé à regarder de plus près les produits cosmétiques qu’on nous vendait dans les grands magasins et je me suis rendu compte que c’était hyper chimique », nous dit-elle. Débute alors un parcours de documentation, de recherche et de développement qui l’amène à solliciter des experts toxicologues venus d’Angleterre. De fil en aiguille, Maya trouve des solutions, élabore ses premières crèmes maison, les partage avec ses amies - qui apprécient beaucoup - et commence à les vendre sur des marchés. « J’avais envie de faire quelque chose par moi-même et de participer à la société », poursuit-elle. Son rêve s’est réalisé.
« Saabou veut dire savon en wolof » nous explique Maya, française d’origine Sénégalaise, anciennement expert-comptable. « Cela nous rappelle qu’il faut toujours garder le corps propre, l’esprit propre et la terre propre » précise-t-elle. « Dans ma culture il n’y a pas une journée où personne ne dit le mot Saabou ». C’est pourquoi sa ligne d’onguents et de savons s’appuie sur une charte ambitieuse et bien en phase avec les préoccupations de l'époque : matières premières naturelles et biologiques, vente en vrac, contenants consignés et recyclés, reprise et (ou) amélioration des produits qui ne conviennent pas à ses clientes. Pour Maya, secondée par sa fille Leila, il s’agit de faire de Saabou une référence naturelle et écologique dans l'industrie des cosmétiques et de la beauté. Et de rester à l’écoute de sa clientèle, déjà nombreuse.
Et puis il y a l’impact social de Saabou, un point sur lequel Maya Diagne se montre diserte, passionnée, engagée : « mes produits viennent d’une coopérative de femmes avec laquelle je travaille au Ghana. Je m’adresse à cette coopérative, j’achète le beurre de karité par tonne et je contribue au développement du pays. » Mais Maya ne s’arrête pas là. « Au Sénégal, la Loi est extrêmement dure envers les femmes. L’avortement est interdit. C’est criminalisé. » Elle nous parle de jeunes femmes issues de milieux pauvres, qui souhaitent avorter : « soit elles essaient et réussissent, soit elles meurent, soit elles se font attraper et vont en prison ». A l’avenir, Saabou souhaite travailler avec ces femmes qui vivent en milieu carcéral. Faire appel à elles pour transformer des matières végétales cultivées aux abords des prisons. Un projet qui permettrait d’actionner plusieurs leviers pour faire changer les choses : la réinsertion socio-professionnelle des détenues, la rémunération de leur travail en prévision de leur sortie de prison, la scolarisation des enfants qui sont souvent stigmatisés et mis à l'écart. Les détenues peuvent apprendre un métier et, pourquoi pas, développer elles aussi l'esprit d'entreprise. Une mission sociale pour laquelle Maya Diagne a amorcé des échanges avec le gouvernement du Sénégal. « Quand je décide une chose, je ne fais plus que ça » dit-elle. Et nous, on y croit !
Texte : Michel Reuss
Photo/vidéo : Olga Filimonova