Chaque jour appartient au voleur
Ojo gbogbo ni t'ole, ojo kan ni t'olohun
Chaque jour appartient au voleur, mais un seul au propriétaire (proverbe yoruba)
Teju Cole est un écrivain, historien de l'art et photogaphe, il est né aux Etats-Unis en 1975 et a grandi au Nigeria. Pour le titre de son roman "Chaque jour appartient au voleur" (Editions ZOE) il s'inspire de son expérience de la ville de Lagos et de ce proverbe Yoruba. Son livre est une sorte de journal du retour d'un enfant du pays dans la ville tentaculaire et ébouriffante de Lagos. Un jeune homme qui, après 15 ans d'absence, se sent étranger dans son pays d'origine et doit en réapprendre les codes.
Un extrait à propos des rabatteurs qui, dans les gares routières de Lagos, doivent remplir les quatorze places de ces bus collectifs appelés Danfo,
"Le rabattage n'est pas un simple boulot. C'est une manière d'être au monde, un condensé de pure arrogance : le torse en avant, le corps souple, la mâchoire serrée pour couper court à toute objection. Il y a chez tous les rabatteurs la même impatience, carrée et colérique, l'inclination à déclencher la bagarre pour le moindre différend. Ils ont une posture, une démarche frimeuse bien à eux. Ce sont eux les vrais affranchis de Lagos, et certains n'ont pas plus de quatorze ans. Quand ils rentrent chez eux le soir, ils ne cessent pas pour autant d'être des rabatteurs. Ca leur est chevillé à l'âme. Et le Lagosien ordinaire, le non-rabatteur, est obligé d'adopter leur arrogance. Quand on marche dans la rue, le corps doit exprimer une assurance sans faille. Le moindre signe d'incertitude dans l'expression ou la démarche attire l'attention, et l'attention est dangereuse. Quand on croise le regard d'un inconnu, on doit lui envoyer un message sans équivoque : Crois-moi, t'as pas intérêt à me chercher. Il y a beaucoup de gens qui rôdent dans la rue en quête de proies. Des gens qui, à force de pratique, peuvent flairer la faiblesse où qu'elle se cache."
Pour aller plus loin :
Le site de Teju Cole,
Le site des Editions ZOE,
En juin 2021 aux Halles de Schaerbeek, neuf jeunes danseurs virtuoses rassemblés par Qudus Onikeku (Nigeria) nous présenteront Re:Incarnation.
Texte : Michel Reuss
Photo : https://twitter.com/danfochauffeur