Portrait - Sarah Zangio / Kinkajou
Mix inclassable
Saviez-vous que le kinkajou[1] est un animal rare resté longtemps sans classification chez les naturalistes et demeure une véritable curiosité biologique. Des qualités qui pourraient parfaitement s’appliquer au magasin de jouets éponyme, historique à Bxl.
En effet, depuis 2 ans, Kinkajou est tenu par la truculente Sarah Zangio qui - pour l’anecdote- y travaillait durant ses études. Ces dernières achevées, elle s’est vite rendu compte qu’une carrière dans le social ne faisait pas sens pour elle. Elle s’imaginait plutôt indépendante et ouvrir une herboristerie afro ou du moins, une activité afro-centrée. C’est alors que par le plus grand des hasards, son ancien employeur et propriétaire de Kinkajou la recontacte : il veut lui vendre le magasin… Elle hésite. Et malgré les réticences de Sala son compagnon, il ne lui aura pas fallu longtemps pour lâcher son CDI et obtenir un prêt.
Cependant, une question demeurait : comment tenir tête aux commerces de jouets qui en plus de faire partie de chaînes, adoptent les codes des petites boutiques de quartiers ? Elle ferait de ce magasin, un endroit à l’image de Bruxelles. Un endroit très mix, où tout le monde se retrouve.
Ecclectisme sélectif
Métisse belgo-congolaise, cette historienne des religions, sinologue et diplômée en histoire et langues des pays de l'Est est sensible à bien d’autres cultures encore. Son conjoint est kabile, ses amis sont Roms, belges ou tchétchènes… Et ce brassage se reflète dans sa soigneuse sélection de joujoux. Une caverne d’Ali Baba qui s’inscrit dans l’époque : poupées afros, poupées talisman, littérature abordant les questions de genre, d’homoparentalité, de féminisme, d’Histoire, littérature jeunesse évidement, jeux de société et d’adresse, atlas magiques et tant de jolies couleurs, de beaux objets.
Si Sarah a ses marques coup de cœurs, le critère premier pour choisir ses jouets restent l’histoire qu’ils racontent ou toujours leur caractère éthique. Mais son public l’aiguille aussi.
Super nana
Autre constat : le monde du jouet est principalement blanc et masculin alors que la clientèle est en grande majorité féminine.
Alors imaginez une femme noire fringuée n’importe comment […] qui en même temps balance plein de références historiques et qui maîtrise toute une série de sujets. D’office, celle qui se définit comme une bruxelloise afrodescendante et déracinée, surprend derrière son comptoir.
Sarah c’est aussi une super nana dans le vent : elle vous tutoie directement, chantonne en emballant vos cadeaux, vous embrasse de son rire contagieux, les voisin.es passent lui faire la (fausse) bise, apportent le café…
Aux autres super nanas racisées, célibataires, avec un handicap, en transition, mères célibataires de 4 gamins de 4 pères différents, elle estime ne pas avoir à donner de conseil. Si ce n’est peut-être : testez et ne croyez jamais qu’on n’est pas capable de faire quelquechose !
[1] Prononcez kɛ̃kaʒu.