105 rue carnot : Dakar n'est pas loin !

« 105 rue carnot » est un ensemble de récits de la vie quotidienne sénégalaise. On y croise un poète adolescent en proie aux affres des premières amours, une jeune fille dont les rêves d'avenir sont contrariés par une administration impitoyable et méprisante. Il y a aussi les aventures de  J, qui après avoir quitté les Philippines, ou peut-être la Corée, débarque au port de Dakar pour découvrir qu'ici, il est désiré et attendu aussi bien par Anta que par tonton Lamine, même s'il n'avait pas été apprécié à sa  juste valeur dans certains milieux parisiens. On participe à l'effervescence des préparatifs de la Tabaski[1] et on aperçoit Annie, venue de France et que les envies d'ailleurs avaient amenée au Sénégal. Et dans la bataille sans concession qui se déroule dans la « villa rose » et oppose la famille du colonel Bâ à celle du capitaine, on peut choisir son camp.

Avec « 105, rue Carnot », l'auteur nous fait passer d'un récit à l'autre, et nous entraîne par l'intensité de ses personnages. Il raconte sa terre et ses hommes, ils prennent vie au fil des pages et deviennent proches. Ce sont nos voisins, c'est nous. Tous les personnages sont vrais. A travers des morceaux choisis de la vie sénégalaise, nous sommes invités, tantôt par un narrateur, tantôt une narratrice, qui se dévoile avec authenticité et pudeur, dans un univers où le bonheur des uns et le sort des autres nous touche, si bien que le Sénégal devient réel sous les mots de Felwine Sarr. Nous nous réjouissons alors avec le narrateur le jour où Sali Bodian se love dans ses bras, et que sa vie devient « intense et belle comme une mélodie jouée pianissimo », ou que nous lisons le désespoir de celle qui pense être seule pour éteindre « sa maison qui brûle. ».  Tout cela dans une écriture qui parvient à allier finesse et simplicité avec délice.

Felwine Sarr, 105 Rue Carnot, Mémoire D'encrier, 2016 (réédition)

Celestina Jorge (Pépite blues)

[1]Mot sérère pour désigner l'Aïd-el-Kebir, fête musulmane