Zugzwang et le film choral
Si Zugzwang est un spectacle de cirque aux références multiples (on pourrait parler du cinéma comique de Buster Keaton, ou encore du titre, référence au « coup contraint » dans le jeu d’échecs) c’est ici la dramaturgie particulière, empruntée au 7ème art, que nous aborderons ici.
Le film choral est un genre cinématographique mettant en scène un nombre relativement important de personnages principaux, d’importance égale. Ce sont également des personnages qui évoluent tous dans des sous-intrigues. Le processus de création de Zugzwang tient à un mot : « mosaïque ». On trouve dans la contrainte d’un cadre mouvant la possibilité de changer, d’évoluer, de se croiser. Il n’y a pas une intrigue générale ou un héros principal : ils et elles sont relativement tous et toutes liées par un destin commun. Parmi les films appartenant à ce genre cinématographique, on pourrait citer :
- The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson)
- Pulp Fiction (Quentin Tarantino)
- Elephant (Gus Van Sant)
- Babel (Richard Curtis)
- Inglorious Basterds (Quentin Tarantino)
- Burn After Reading (Joel & Ethan Cohen)
Zugzwang, dont le synopsis est que 5 acrobates sont confrontés à une situation de plus en plus dangereuse. Si l’on commence sur une scène à priori banale, au fur et à mesure du spectacle les choses vont se corser. Il est question de dynamique : rebonds, césures, ruptures, juxtapositions, discontinuités, déconstruisant au fur et à mesure un environnement du quotidien à une situation où les corps se meuvent à l’intérieur de terrains accidentés.
Ainsi, les rapports entre les situations et les personnages sont emmenés à être déviés, à s’entrecroiser et à changer leur trajectoire établie. Cela pourrait aussi se référer au comique de situation, où l’on rit d’un évènement qui sort de notre conception de réalité, ou d’imaginaire établi.
Et dans le cirque du Galactik Ensemble, on voit plusieurs personnages SAUTER d’une situation à une autre : faire exister plusieurs récits simultanément permet de jouer de l’effet dit « de bascule ». Chaque sous-intrigue est interrompue au cours de la séquence pour alterner avec plusieurs autres situations.
Ainsi, en plus d’une écriture entrecoupée, le montage alterné occupe une place majeure dans la dynamique du film dit « choral ». En fait, la dramaturgie ne repose pas sur une situation linéaire, au contraire : les fictions se croisent et les réalités diffèrent d’un univers à un autre. Ainsi, à l’image du genre cinématographique du film « choral » référence au sens figuré d’une « chorale musicale » possédant une multiplicité de chœurs – et donc, de personnes – tout repose sur la notion de destins « croisés ».
Les acrobates mentionnent aussi Eugenio Barba (considéré, avec Peter Brook, comme l’un des plus grands dramaturges contemporains) quant à ses déclarations sur le tissage de récits :
« Ce tissage de récits, de situations, génère du sens, et de manière inéluctable finit par ne former qu’un seul et même récit. »