Gens insouciants réveillez-vous / Et remplissez le verre du désir
« Des années 1920 aux années 1960, entre Beyrouth et Le Caire, de grandes divas se relayaient sur les ondes radios comme étendards de la chanson arabe au féminin. Oum Kalthoum, en particulier, fait partie du paysage sonore de mon enfance. Une musique toujours présente, de basse intensité, que j’entendais partout, de jour comme de nuit, à chaque coin de rue, dans chaque voiture – et notamment celle de mon père. C’est ce qu’il me reste de plus fort comme souvenirs musicaux de ces années au Maroc. Je ne comprenais pas ce qu’elle disait, mais à force d’entendre sa voix, elle m’était devenue familière.
Ses chansons, caractéristiques du style tarab, dans lequel elle excelle, incarnent une émotion poétique et musicale, faisant appel à un large spectre de sentiments, des plus intériorisés aux plus violents. Plus tard, je me suis intéressé au sens de ses chansons et par elle, j’ai découvert Les Quatrains d’Omar Khayyam. Véritable ode au présent, ce poème puise sa force dans le rapport au plaisir, à la délectation, à l’exaltation et à la transe.
C’est dans ces sentiments et états que mon travail trouve son origine, non seulement en danse mais aussi en musique et en voix. Je suis particulièrement touché par les connexions qui s’établissent entre ces vibrations et les interprètes.
Imaginée comme un rendez-vous poétique, cette création - Oüm - laisse le champ libre à la communion entre les différents interprètes, tous unis dans une même énergie que véhicule cette quête du présent »
Fouad Boussouf, à propos de sa pièce Oüm
J’ai entendu une voix s’écrier au matin,
De l’invisible, elle appelait les hommes endormis :
« Réveillez-vous ! Remplissez la coupe du désir,
Avant que ne remplisse la coupe du temps, la main du destin ! »
Ne te soucie pas du temps passé,
Ni de la vie à venir avant qu’elle ne vienne.
Jouis du présent pour lui-même,
Car la sécurité n’est pas de la nature des nuits.
Demain est absence, et le jour est à moi.
Souvent l’avenir déçoit l’attente.
Je ne suis pas insouciant au point de voir
La beauté du monde sans déposer les armes à ses pieds.(…)
Mieux vaut pour ce cœur de battre,
Et dans les feux de l’amour de brûler !
Quelle perte le jour passé,
Sans que je n’aime ni ne m’éprenne.
Réveille-toi mon amour, voici le matin,
Abandonne le sommeil et caresse les cordes.
Jamais le sommeil n’a prolongé une vie,
Et jamais la veille prolongée de l’a raccourcie.Omar Khayyam, Quatrains