Le Grand Bouc - Goya / Mossoux-Bonté
Teintes sombres. Sujets sinistres. Hallucinantes. Les dernières œuvres du peintre espagnole le plus célèbre du XVIIIème siècle, Francisco José de Goya y Lucientes (1746-1828), dit Goya, sont empreintes d’une lourdeur assumée. La série des pinturas negras, ou "peintures noires", intitulées posthumément, est réalisée par l'artiste sur les murs de sa maison de campagne où il s’est retiré, malade et atteint de surdité. Loin des images des fastes bigarés représentant la mondanité de la cour d’Espagne, ses dernières œuvres évoquent les thèmes du mystère, de la sorcellerie, de la nuit voire de la cruauté. La plus célèbre d’entre elles ? Saturne dévorant son enfant (1819-1823). Où l’on y voit Saturne - dieu romain du temps et de la mort- consommer sauvagement l’un de ses fils. Allégorique, l’œuvre soulève de nombreuses interprétations : le conflit entre la jeunesse et la vieillesse, le temps qui dévore toutes choses, la colère divine. C’est aussi une allégorie de la situation de l'Espagne dans une époque trouble, celle d'une patrie qui consommait ses propres enfants lors de guerres intestines et révolutions successives.
Dans cette série très ésotérique une autre petite fresque fait impression : Le Sabbat des sorcières, ou Le Grand Bouc (El gran cabron). Dans un clair-obscur angoissant et dévorant les visages des principaux protagonistes, un bouc, symbole du diable initie à la sorcellerie un groupe de femmes aux allures grotesques, voire bestiales. La palette est minimale, les traits à peine esquissés, on perçoit ici l’héritage fondamental de Goya sur la peinture romantique et expressionniste.
Dans un contexte de Restauration absolutiste en Espagne (restauration de la monarchie absolue) Goya anticipe avec les peintures noires la modernité et les différents mouvements avant-gardistes du XXe siècle.