Florence Cats : : : On respire tous les jours du son
par Laurence Kahn / Photographies : Joseph Charroy.
Le spectacle Les Autres de Kader Attou comporte, parmi d’autres instruments de musique singuliers, le thérémine. J’ai rencontré Florence Cats, une artiste belge dont les recherches actuelles expérimentent la voix, l’eau, les déchets, l’espace, le vide et le thérémine. Elle m’a parlé de ce premier instrument de musique électronique inventé en 1920 par Léon Thérémine et composé d’un boîtier électronique équipé de deux antennes. L’instrumentiste ne touche pas l’appareil mais effectue des mouvements qui produisent des sons.
Une des deux antennes correspond à la hauteur : plus tu t’approches, plus tu vas monter dans les aigus ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ ¨ l’autre antenne, c’est le volume : plus tu t’approches, plus le volume baisse … … … … … …
Il y a des réglages possibles : l’attaque ;;; le volume général ;; la couleur du son ;; ;; ;
Léon Thérémine, quand il était aux Etats-Unis, a rencontré Clara Rockmore, une violoniste virtuose d’origine lituanienne qui a collaboré avec lui - - - elle l’a aidé à améliorer certains paramètres comme l’attaque pour avoir un jeu plus exigeant + + il y a moyen de faire des staccatos comme des fade in/fade out : : : . . . . . . . . . .
L’inventeur, Léon Thérémine, travaillait à la radio – — — - — j’ai vu ça dans un documentaire[1] — à un moment il y avait un sifflement d’interférence et c’est ça qui lui a donné l’idée de cet instrument - — - j’aime bien cette dimension de la surprise et de l’accident, c’est aussi pas mal présent dans mon travail * _ * _ * _ _ _ _ et aussi la dimension de l’altération ou le fait que les choses bougent avec l’atmosphère l’humidité l’eau °° °
° °° ° Mon travail porte sur l’insaisissable sur ce qui est sur le point d’apparaître
ou de disparaître
sur l’air le vent l’eau les transformations
et du coup, cet instrument qui se joue directement dans l’air
qui est le milieu de propagation du son, venait résonner avec des nœuds d’intérêt ∞ ∞ ∞
Il y a l’instrument et après il y a les haut-parleurs
enfin l’amplification qui est une partie hyper importante de l’instrument ` `` ``` Je vais toujours chercher à ce qu’on ne puisse pas vraiment localiser où est la source, ça m’intéresse aussi ~ On est dans un bain vibratoire ~ c’est une danse de vibrations partout ~~ la frontière est floue entre le matériel et l’immatériel, c’est plus une histoire de perception ´ ´´ le thérémine permet de percevoir quelque chose qui se passe dans l’air, qu’on ne voit pas, un mouvement d’ondes dans le champ, dans l’air ~ ~ ça m’intéresse ce qui se situe dans cet impalpable
Il y a quelque chose de l’ordre de l’expérience intérieure dans ma manière de voir l’instrument º je n’ai pas l’impression de l’utiliser º º j’ai l’impression vraiment de l’expérimenter ou d’expérimenter des choses grâce à lui
Il y a aussi cette dimension de la transparence, d’électromagnétisme … . . . . … .. . . . cet aspect du vide, de l’invisible je ressens quelque chose de cosmique dans cet instrument, même dans la sonorité … ça peut faire penser à des sons qu’on capte et qu’on traduit pour qu’ils soient écoutables, aux choses qui se passent dans l’ionosphère . … . . des particules solaires qui arrivent ” ’ ”’ des sons météores * ** des sons cosmiques (( ( ( ( ça m’inspire d’écouter ces sons ¨ ¨¨ ¨¨ ¨ la mise à la terre électrique de l’instrument est hyper importante, sinon il ne marche pas ± ±±± dans l’instrument, il y a une partie du composant électrique qui est mis à la terre par les haut-parleurs l’autre partie par le corps de l’interprète par l’humidité de son corps si je bois plus d’eau ou moins, ça va altérer le son et aussi si il y a plus d’eau dans l’air si l’air est plus humide si il y a un orage qui va arriver ça fait bouger le son
Avec le thérémine, les sons sont partout dans l’air si tu imagines qu’il y a une corde entre l’antenne et toi, c’est plus facile pour repérer des endroits qui vont être certaines fréquences qui donnent une note précise donc si tu veux reproduire certaines notes, il faut trouver des repères de positions de doigts que tu vas pouvoir refaire pour ça, il y a des techniques qui ont été développées je joue aussi avec des objets, par exemple en métal, qui vont conduire le son interagir avec la voix ou avec des sons acoustiques, j’aime bien
Ce qui est intéressant dans cet instrument, c’est la continuité du son ___________________ le rapport entre le vide cosmique et la terre autant dans la sonorité que dans la sensation ˆˆˆ ˆ ˆˆ c’est tout ce rapport de l’homme par rapport au cosmos ÷ ÷ ÷÷ je trouve que ça relie au fait qu’on porte l’infini en soi . … … .. tous ces phénomènes de la création d’une étoile des trous noirs je pense que ce sont des choses qu’on peut ressentir à une échelle intérieure par rapport à des émotions par rapport à des expériences de vie
Dans mon travail avec l’instrument je m’inspire de ces phénomènes célestes cosmiques à la fois intérieurs la moindre petite vibration le moindre tremblement va s’entendre et ce petit déplacement d’une onde dans l’air est traduit en son avec l’instrument et ça devient en un coup audible le son apparaît
dans l’air
l’air c’est celui que je
respire
se rendre compte
qu’en fait on
respire
tous les jours
du son
[1] Florence Cats m’a communiqué les références du documentaire en question : Martin, S. (Réalisateur). (1993). Theremin: An Electronic Odyssey [Film documentaire]. Kaga Bay Productions. Un roman sur le même sujet a été publié récemment : Villin, E., La Fugue thérémine, Paris, Asphalte éditions, 2022.